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LA VENTE DU DOUAIRE

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Faire-part de l'Abbé Swolfs « qui en l'an du Seigneur 1826, le 24 du mois d'octobre vers  heure du matin, s'endormit paisiblement dans le Seigneur épuisé par une longue maladie soufferte avec une patience inaltérable, après avoir reçu avec une dévotion particulière et exemplaire, les derniers sacrements ardemment désirés. »
« L'on connait sa libéralité qui a tant contribué à la décoration du temple de sa paroisse; et on testament par lequel il assure à la fabrique de son église des revenus suffisants pour subvenir à ses besoins, entretenir une lampe devant le S. Sacrement et procurer à son successeur un supplément de traitement qui le rende indépendant, sera à jamais une preuve de sa générosité. »
Comme M. Swolfs n'avait pas prêté le serment de fidélité à la République, de haine à la Royauté, les biens de la cure de Bure furent confisqués. (mars 1798) La R.F. va vendre ces « biens nationaux » Le 17 vendémiaire de l'an 7 de la R. une et indivisible, Hérin de Tellin et Louis Joseph Poncelet, commissaire de la R., estiment l'église, le cimetière d'environ 50 verges à 240 frs, pour la vente. Le 3 floréal, les biens de la ci-devant cure de Bure comprennent 24 pièces labourables contenant sept bonniers, deux journaux de sartage, trois vergers, huit prairies contenant un bonnier, trois journaux et un petit jardin au lieu dit « Tirant rue » contenant huit verges, situés sur la commune de Bure. Le tout était affermé aux citoyens Charlier et Louvaux par bal qui expirera le sept pluviose en 9. Estimé 5580 livres. M. Lamotte fait observer qu'il importe de vérifier si cette somme extraordinaire il ne s'agit pas de tous les biens noirs de Bure. Il est d'avis que pour 162,000 frs D. Charlier a obtenu les quelques hectares du douaire, le château et toute la ferme. « Les biens noirs se donnaient pour rien. »
Le 8 prairial an 6, à dix heure du matin, les administrateurs du département de Sambre et Meuse (Lerat, Buydens, Sagebin, Dupont) accompagnés du citoyen Chanteau, commissaire du directoir exécutif, et de Prlot, secrétaire, ouvrent les enchères sur la somme de cinq mille cinq cent quatre-vingts livres (5580 livres) qui est le montant 15 fois le revenu, (372 livres). Persone ne se présente. Conciliabules: Swolfs, Pigeon, Eloy, Charlier – notables. Le 18 prairial, an 6 (6 juin 1798) le Français reviennent mettre en vente les biens de la ci-devant cure de Bure. Il y a des amateurs: deux étranger, outre Charlier/ « Nous avons fait allumer un premier feu pendant la durée duquel il a été offert par le citoyen Charlier la somme de 6000 frs, par le citoyen Dambly, la somme de 8000 livres, par le citoyen Henrotin celle de 1000 livres. Il a été allumé successivement cinq feux pendant lesquels il a été offert par le citoyen Charlier jusqu'à la somme de 162 000 frs. Il a été allumé un septième feu, lequel s'étant éteint sans que pendant sa durée il ait été fait aucune enchère, l'administration du département a adjugé au citoyen Denis-Joseph Charlier demeurant en la commune de Bure les biens de la cure pour 162 000 frs.
Tout le village était là, regardait, se taisait, écoutait les enchères de Charlier, Dambly, Henrotin. On venait de vendre « des biens volés », « des biens noirs ». Dans les maisons, les jours suivants, à voix basse, on ne parlais que de cela. Quelques temps après, la maison de cure (le presbytère) fut également vendu à Nicolas Charlier, père du dit Denis-Joseph Charlie, empêché de se rendre à la vente. Notons que l'année précédente en 1797, le Curé Swolfs décide à ne pas prêter le serment requis le 26 septembre 1797, et voyant les conséquences de sa résistance, avait vendu son bétail et attirail de labour qui lui servait pour exploiter son douaire. Vente, argent comptant, qui lui rapporte 67 louis ou 268 couronnes. Deux ans auparavant, ne percevant plus la dîme, il aurait vendu: 80 moutons pour 640 florins de Liège ou 160 écus – une partie des bêtes à cornes pour 600 florins ou 150 écus – deux chevaux pour 117 écus – le tout 427 écus.
Qui état Charlier, l'acquéreur du Château, de la ferme, du douaire, du presbytère?
Denis-Joseph Charlier était commerçant à Bure. Son père, Nicolas Charlier né à St Hubert, y fut orfèvre: il mourut à Bure chez son fils, le 19 juillet 1812, âgé de 78 ans. Il avait eu six enfants. Denis Joseph, l'aîné, était donc commerçant à Bure. Les quatre suivants habitaient à St Hubert; les sixième était tanneur à Malmédy. Denis-Joseph était venu s'établir à Bure parce qu'il y avait hérité d'une maison, jardin et verger que lui avait laissé son oncle, Denis Charlier, curé de Jemelle (-+ 1793). Denis Joseph augmenta son héritage; il fit quelques acquisitions; lors de la vente des bens nationaux, il acheta le Château et la ferme de Bure, et le douaire. Plus tard nous le voyons construire une tannerie et un moulin à écorces. Puis il fait faillite en 1817.
Remarquons qu'il n'achète pas pour lui la cure et le douaire. Il était l'ami du curé Swolfs. Il lui servit de prête-nom à la vente du 18 prairial an 6. Comme l'abbé Swolfs, insermenté, poursuivi, ne peut paraître devant les Républicains, Charlier le remplace, achète pour lui, reconnait le curé comme propriétaire par un acte sous seing privé. L'Abbé Swolfs paie de ses deniers, habite la cure, loue les terres aux gens de Bure, paie les contributions. Il est vraiment le propriétaire de la cure et du douaire. Mais attendons!
Pourquoi le curé achète-t-il des « bien noirs? » Dans un bon but. Né de parents riches, le curé Swolfs voulut faire preuve de générosité envers ses successeurs à la cure de Bure. Nous lisons dans son testament de 1825: « Ayant acheté e douaire, non pour en faire ma propriété, mais pour la cyure de Bure, je cède et abandonne ces biens à la Fabrique pour en laisser et faire jouir à perpétuité les desservants mes successeurs, pour leur servir de supplément de traitement, en déchargeant les fondations dont ces biens sont affectés.
Le résultat de cet achat, désastreux pour Charlier et Swolfs. Charlier fait faillite. Le douaire et entraîné dans la faillite. En 1817, Charlier fait son bilan. Comme actif, il déclare: 1) la ferme et le château de Bure 200 000 frs 2) son bien patrimonial acheté avant l'acquisition de la ferme 25 000 frs 3) sa maison et la pourprise 8 000 frs 4) la tannerie et le moulin à écorce 10000 frs 5) bois de Cheval Doy à Grupont 6000 frs 6) une prairie à St Hubert 1 413 frs 7) un champ de 25 louis 588,75 frs – le tout 251 001,75 frs.Il n'est pas fait mention du douaire, de la cure. Les créanciers concluent un arrangement avec lui, il payera 30 % des dettes. En 1820, ne pouvant satisfaire aux arrangements conclus, il dépose de nouveau son bilan.
Et M. Swolfs a tout à coup la surprise de voir les syndics de la faillite qui revendiquent pour les créanciers le douaire qui a été acheté en l'an 6 par Denis Charlier. M. Swolfs fut ce jour-là stupéfait et refuse. Mais les syndics de la faillite le mettent au tribunal. Un procès qui commence en 1821 à Marche, pour se terminer en cour d'appel à Liège en 1827, après la mort de M. Swolfs (1826, nous fait voir des avocats, des juges, des huissiers, du papier timbré, des tas de correspondances, ... et des frais que le procès amène infailliblement. Le tribunal de Marche, le 13 mars 1824, donne raison aux créanciers, ordonne au curé de vider pieds et mains les immeubles, et le condamne à la moitié des dépens. La cour d'appel de Liège, le 20 octobre 1827, confirme ce jugement. La raison: l'acte de vente de l'an 6 indique Charlier comme acquéreur. L'acte sous seing privé du 20 pluviose an 7, signé par Swolfs et Charlier attestant que l'achat est fait pour Swolfs et payé par Swolfs, n'a pas été enregistré, ou a été enregistré trop tard en 1824 en plein procès. Il n'a donc pas de date certaine. Et de tels actes n'ont pas de valeur entre des tiers; la loi interdit même de les servir comme preuve. « La rigueur du principe posé en l'article 1320 du Code Civil l'a emporté sur l'équité, » écrit mélancoliquement l'avocat, qui réclame ses honoraires.
De fait, la loi a provoqué une injustice en ce cas présent. Ou plutôt, le syndic de la faillite qui abuse d'une disposition légale pour enlever le bien du curé Swolfs. Voilà un douaire volé par les Républicains et racheté et payé une 1° fois par l'abbé Swolfs. Le voilà de nouveau repris par l'union des créanciers de la faillite Charlier, au curé Swolfs qui est réellement propriétaire, sans aucun doute. Les créanciers vendirent les biens du failli en diverses fois. On rendit le douaire le 17 juillet 1826. Mr. Gengoux, notaire royal à la résidence de Marche.
Le 7 avril 1829, se termine l'histoire mouvementée du douaire. Jean Joseph Eloy, bourgmestre, et son épouse font donation à la Fabrique des biens dits le douaire (ramener à 24 bonniers environ) acquis de la faillite du sieur Charlier par le dit Eloy le 7 juillet 1828. Le revenu annuel est estimé à 120 florins. (vendu 3230 florins, Archives) La moitié du revenu sera employé annuellement à faire décharger les fondations du dit douaire.
Le presbytère – En 1823, le 4 février, M. Swolfs fait donation de la cure à M. Eloy, mayeur de Bure, par devant Me. Hérin notaire à Tellin. La donation est autorisée par arrêté royal (Guillaume d'Orange) en juin 1823, à charge de la rendre à sa précédente destination selon la volonté du donateur. Bâtiment consistant en corps de logis, grange, écuries, bergerie, four, fournis et jardin y attenant. Et si M. Swolfs avait fait de même pour les terrains?? ... Le presbytère et jardin (20 verges) avait été acheté le 5 pluviose an 7 pour 13 000 frs par Nicolas Charlier, père de Denis Charlier. (Archives de l'État, Namur)
Jean-Joseph Eloy a acquis le douaire en 1828 avec quel argent? - la Fabrique, non: n'a pas de numéraire, et l'acte de vente aurait été fait en son nom. - Un particulier, riche, qui aurait voulu avantager la Fabrique. Melle Swolfs survécut quelques temps (mois) à son frère. Elle était liée avec la famille Eloy où elle avait trouvé asile pendant la persécution, lorsque son frère se cachait, que le presbytère était saisi. Très riche, elle aura peut-être voulu que l'intention primitive de son frère soit accomplie, et aura chargé de la réalisation de ses volontes J.J. Eloy dont un des parents avait été vicaire à Haversin en 1770. C'est une supposition vraisemblable. On n'en voit guère d'autre. Elle aura donné de la main à la main à M. Eloy l'argent qu'elle possédait.
Testament du curé Swolfs. Son but. Depuis l'an 1829, les curés cultivaient, louaient le douaire; quelques uns se souviennent peut-être encore qu'avant la guerre de 1914, M. L'Abbé Dupuis tenait encore ses bêtes. La volonté du testament était observée. Quand M. l'Abbé Hubert est arrivé à Bure (1932) le curé de Bure avait encore à sa disposition 3 terres (Grand Han, Famieumont et les Cloys) « terre du curé » et la pêche. Es prédécesseurs en jouissaient de temps immémorial. Personne ne contestait leurs droits « réduits ».

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